Sophie Bassot ou l’espace envoûté
L’oeuvre de Sophie Bassot analysée
par le critique d’art CHRISTIAN NOORBERGEN
Dans la nostalgie de l’ailleurs, Sophie Bassot éprouve à vif les fondements
cachés de l’espace peint, et sa matière palpite, fuyant les certitudes. Des
énergies premières, archaïques et germinatives, envoutent l’étendue. Une
couleur latente, globale, forte, insidieuse et voilée, développe ses
enveloppantes modulations, en possible passante menace.
Sa parole d’avant-message, creusée de ciel intime, et chargée de vie archaïque,
augmente à vif le taux de compression mentale. Révélation de soi, dans une
heureuse mélancolie. Part visible et invisible du dedans projeté dans le miroir
tellurique de la création.
L’opacité, harcelée, s’est mise à craquer, le chaos s’est éveillé, les signes
s’imprègnent de la chaude et cruelle vitalité des couleurs.
Dans ce combat à peinture nue, l’artiste, sombre magicienne, s’ouvre aux fondamentaux de la création.
Elle met en scène ce qui couve sous la scène immense des apparences. Matière intensément vécue, et chaque toile respire à hauteur d’univers. Dans chaque paysage habité, l’artiste accidente l’ordre du monde, affichant le meurtre œdipien de l’image installée.
Sophie Bassot secoue à vif nos profondeurs, et l’œuvre révèle le champ agrandi des perceptions souterraines. Très troublante, une contagion douce et dense agit, par l’effet d’art d’une peinture de haute substance. Les couleurs, d’origine terreuses, disent le lien primordial avec le sol. Écriture monumentale et enciellée.
Sophie Bassot éprouve la densité des choses, comme si elle reliait, de l’intérieur, les lignes de force de l’homme et de l’univers. Elle peint la trame indistincte de l’être et du cosmos, quand les lignes du dehors rejoignent celles du dedans. Regard entre deux abîmes, dans l’espace innombrable, quand le corps s’abîme aux vertiges des lumières d’origine.
« Ces paysages sont mes traversées », dit-elle.
Qui est CHRISTIAN NOORBERGEN, critique d’art ?
Christian Noorbergen, né le 18 mai 1946, a enseigné la philosophie et l’histoire de l’art. Il est l’auteur d’une monographie sur Roger Gilbert-Lecomte dans la collection « Poètes d’aujourd’hui » chez Seghers.
Expert en symbolisme belge, expressionnisme contemporain et animalité, il a publié depuis 2015 plusieurs monographies remarquables sur des artistes tels que Roland Cat, Michel Kirch, Alixe Fu, Haude Bernabé, Gérard Stricher, Khaled Alkhani et Antoine Correia. Il a dirigé des ateliers d’écriture pendant de nombreuses années et a enseigné l’histoire de l’art, la psychanalyse et la philosophie. Participant régulier des séminaires de Cerisy-la-Salle, il y a également dirigé un colloque consacré à Henri Michaux.
En tant que critique d’art et conférencier, ses interventions ont eu lieu en Europe et plus récemment en Chine, où il est reconnu comme spécialiste de Spilliaert et Kubin. Auteur de nombreuses préfaces de livres et catalogues, principalement sur l’expressionnisme, il est commissaire d’exposition depuis les années 1980 en France et à l’international, et collabore à la réalisation de films d’art. Ses articles sont publiés dans diverses revues françaises et internationales telles que Artension, Miroir de l’Art, Aralya, Leap (Chine), une revue russe de photographie, Winn’Art, Raw Vision et Art Absolument.